FONCTIONNEMENT DE LA CHEVILLE
RELATION GENOU …CHEVILLE ?


 

Avant de commencer une précision me semble nécessaire concernant le sens donné au mot articulation: Voici un terme auquel on donne trop souvent un sens général vague, inapproprié... 

Qu'est ce qu'une articulation ?  Une articulation c'est  un "principe" de liaison entre deux éléments mobiles. Ce principe de liaison autorise, selon sa conception, un seul ou plusieurs déplacements des éléments entre eux sur une amplitude plus ou moins importante en fonction du résultat recherché.

Les deux principes de liaison les plus connus sont le type charnière et le type rotule.

Le type charnière autorise le déplacement des éléments sur un seul plan autour d'un axe unique et fixe... Le type rotule autorise le déplacement en tous sens des deux éléments l'un par rapport a l'autre. Déplacements sur tous les plans selon une amplitude déterminée par la valeur de l'angle au sommet du cône d'évolution engendré, voire même un déplacement en rotation d'un seul ou des deux éléments l'un par rapport a l'autre et de façon indépendante... Ce type d'articulation intervient sur les trois dimensions.

En physiologie articulaire il est coutumier de donner un sens global trop vague au terme ARTICULATION et  a ses dérivés.  Par exemple lorsqu'il est question des huit os du carpe on utilise  le mot "articulé" ou "s'articule" pour désigner chaque liaison que ces os ont entre eux. Dans ce cas la définition du termes employé ne correspond pas a la réalité. Pourquoi ? Chaque zone de liaison  des os du carpe entre eux ne possède pas de surfaces articulaires comme les métacarpiens, les condyles et autres  éléments d'articulations a grand débattement, mais des zones d'ancrage sur lesquelles la matière fibro-cartilagineuse qui les relient entre eux vient s'enraciner. Il en est de même pour les tarses de la cheville, les péronéo-tibiales, les os du crane...

 Ces liaisons n'autorisent, grâce a la souplesse relative de la matière assurant la liaison, que de faibles déplacements en tous sens qui provoquent une déformation de l'ensemble sous fortes contraintes ou chocs violents, cette déformation absorbe une grande partie de la puissance d'un choc évitant souvent une fracture d'un ou de plusieurs éléments de la zone concernée. Ces liaisons fonctionnent comme les silentblocs qui fixent le moteur au châssis de votre véhicule tout en absorbant les vibrations de celui-ci.  Le terme de liaison souple parait plus approprié, plus rationnel, il donne une image beaucoup plus précise.

En physiologie articulaire la présentation qui est faite de l'articulation de la cheville est incomplète.

En soulevant un pied du sol il est possible de le faire évoluer en tous sens. Ceci veut dire que la cheville possède obligatoirement trois axes, trois axes qui sont perpendiculaires entre eux au point neutre et qui possède un point en commun, c’est incontournable !


Trois axes qui permettent à la cheville par associations simultanées de prendre une multitude de configurations pour adapter le pied aux conditions du terrain sur lequel il évolue.

Les deux autres axes par contre ne sont toujours pas matérialisés.

Ces deux derniers axes existent. Pour s’en convaincre il suffit de se livrer à de petits exercices très simples.


On est debout, on porte l’essentiel du poids du corps sur la jambe droite par exemple, pied à plat, jambe tendue en extension complète, donc genou verrouillé. On provoque en bloquant la hanche une rotation du corps dans un sens puis dans l’autre. Observons ce qui se passe… ? L’ensemble fémur tibia péroné, toute la jambe donc, tourne avec le corps dans un sens comme dans l’autre, le pied restant parfaitement immobile…Donc un axe de rotation vertical se situe bien au niveau de la cheville, exactement sur la tibio-tarsienne. Les composants de cette articulation possèdent tout ce qu’il faut pour cela.


Même chose pour l’axe de roulis. Debout, pieds à plats, il est possible de faire basculer les pieds vers l’extérieur pour les positionner sur la tranche externe de chacun. On peut en faire autant vers l’intérieur, l’amplitude est plus faible.


Autre exercice, on écarte les jambes latéralement en faisant glisser les pieds à plats, que se passe t'il ? Les deux pieds restent naturellement à plat sur le sol ! Sans l’axe de roulis les chevilles seraient rigides et les pieds se positionneraient sur leur tranche interne.
Les tarses et métatarses seuls ne peuvent produire une telle amplitude, ils ne sont d’ailleurs que le prolongement de l’articulation qui nous concerne.
L’axe de roulis se situe lui aussi sur la tibio-tarsienne.



AXE DE LACET


Considérons le dessin de l’astragale, vue de dessus, les malléoles en coupe (fig. 1)

 



 



La ligne de séparation de la joue interne avec le versant interne de la trochlée est en accord avec le fond de la trochlée et la  base de la joue externe qui positionne la malléole externe.
En regardant la joue externe de face, on se rend compte de sa forme en secteur de coupe (fig. 2 face et profil). Elle ressemble à une coquille Saint-Jacques, autorisant les mouvements de flexion- extension a la malléole externe (fig. 3) mais lui interdisant tout déplacement en position verticale sur le plan antéropostérieur, par contre rien ne lui interdit de tourner sur elle-même se transformant alors en axe vertical, l’axe de lacet. (fig. 1)
 



Avant de définir le mouvement de lacet interne et externe, prenons un point neutre qui correspond à la station debout, pieds à plats jambes tendues, donc le pilon tibial au sommet de la poulie astragalienne ; Point neutre commun pour les trois axes concernés.

A noter que l'axe de lacet en quittant le point neutre ne reste pas constamment perpendiculaire aux deux autres, par contre leur point commun est constant, il ne bouge pas. Roulis et tangage reste perpendiculaire entre eux quelque soit la configuration de la cheville.

                                                                                                                 

- Durant une rotation interne de la jambe, le pied restant immobile au sol, la malléole interne en partant du neutre recule sur la joue interne, c’est l’amplitude la plus grande. La malléole externe, ne faisant qu’accompagner le tibia, tourne de quelques degrés sur elle-même vers l’intérieur. Même chose jambe immobile, cette fois on fait tourner le pied, donc l’astragale, vers l’extérieur autour de la malléole externe. Comme précédemment la malléole interne se retrouve à l’arrière de la joue interne. C’est le lacet externe

- Durant des mouvements de lacet purs, par exemple debout pieds à plats immobiles, en faisant tourner une jambe la malléole interne se déplace sur un arc de cercle ayant pour centre la malléole externe (fig. 1) qui tourne sur elle-même. (Elle tourne sur elle-même, mais elle ne tourne pas par rapport au tibia puisque tibia et péroné sont liés ensemble. Prenons le compas comme image, la malléole externe étant la pointe...). Même chose jambes immobiles lorsque un pied tourne dans un sens ou dans l'autre, c'est l'astragale qui tourne alors autour de la malléole externe selon le même arc de cercle. 

- Durant ces mouvements de lacet on peut avoir l'impression que la malléole externe se déplace, ce n'est qu'une illusion car celle-ci tournant sur elle même c'est sa périphérie qui se déplace selon un arc de cercle, et jambe immobile c'est l'astragale qui se déplace autour de la malléole.

- Durant ces mouvements la jambe doit varier d’une hauteur infime, imperceptible mais réelle en passant sur le point neutre de la poulie.



 
L’AXE DE ROULIS

 

On connaît la position dans l’espace des deux autres axes, lacet et tangage, donc la position de l’axe de roulis est évidente, il est obligatoirement horizontal et perpendiculaire a l'axe de tangage et a l'axe de lacet quand ce dernier est au neutre. Ils se rejoignent tous les trois en un point commun...


Mais comment se produisent les mouvements de roulis ?

Une précision: Durant le roulis externe (ou bascule) on voit l'ensemble cheville tibia péroné se déplacer vers l'extérieur, c'est le contraire pour le roulis interne.


Reprenons nos observations de la cheville droite. On est debout jambes tendues, on fait basculer lentement le pied vers l’extérieur et on constate alors que la malléole interne s’avance en avant. Remettons le pied à plat et la malléole interne revient au neutre en reculant… Conclusion : En provoquant la bascule du pied vers l’extérieur on sollicite automatiquement l’axe de lacet. Il en va de même dans l’autre sens, en faisant basculer le pied vers l’intérieur la malléole tibiale recule comme durant un mouvement de lacet. Donc la bascule externe est associée avec le lacet interne et la bascule interne est associée au lacet externe.

On doit se souvenir que les moteurs des bascules sont les jambiers et les péroniers, se sont eux qui provoquent au départ selon le sens de la bascule, le sens du lacet.

En faisant basculer le pied dans un sens ou dans l’autre on le fait rouler à plat au sol, on met donc un autre axe en jeu, un axe horizontal qui agit sur le plan latéral, c'est l’axe de roulis. Ce n’est pas tout…

Au niveau des têtes des métatarses le pied est beaucoup plus large qu’au niveau du calcanéum, les points d’appuis du pied forment un triangle A B C (Fig. 4). Lorsque le pied bascule en roulant sur le côté AC du triangle (tranche extérieure du pied grâce à l'axe de roulis) la pente apparaît d’elle même sur l’autre côté AB du triangle. Cette action se produit sur le plan antéropostérieur…Ce qui veut dire que l’axe de flexion extension, le troisième axe, est sollicité lui aussi. L’amplitude est faible mais réelle.

 

 

Donc dans le cas de la bascule externe l'axe de roulis incline le pied vers l'extérieur sur le plan latéral et l'axe de tangage (Flexion extension) incline le pied vers l'arrière sur le plan antéropostérieur, deux actions naturelles simultanées. L'association de ces deux axes entraîne bien sur l’astragale dans le mouvement, ce qui se traduit par l'élévation du versant interne de la trochlée par rapport au versant externe. Versant interne qui exerce alors une poussée verticale sous le pilon tibial uniquement par l’intermédiaire de sa zone avant, celle qui s'élève le plus au cours de la bascule, ce qui a pour effet de pousser en avant le pilon tibial vers la seule liberté qu’il possède, celle offerte par l’axe de lacet, donc selon un arc de cercle ayant pour centre la malléole externe. 

L’astragale est horizontal sur le plan latéral et antéropostérieur quand le pied est à plat, les deux versant au même niveau.

Cette combinaison de pentes dans la bascule externe engendre une poussée sur la zone avant du versant interne du pilon tibial qui n’a pas le choix du sens de déplacement.


Dans le mouvement de bascule interne c’est le contraire qui se produit. Le déplacement de l’astragale se produit dans l’autre sens élevant alors le versant externe de la trochlée qui engendre une poussée par sa partie postérieur sur l’arrière de la face externe du pilon tibial qui recule en tournant autour de l'axe de lacet… L’amplitude de la poussée qui se produit est moins grande que durant la bascule externe, par conséquent celle du mouvement de lacet aussi. L'axe de tangage est moins sollicité lui aussi.

Durant la bascule externe ou interne du pied l'amplitude du mouvement de lacet augmente sous l'action de la poussée engendrée.

En fonction du sens de la bascule le déplacement vers l'avant ou vers l'arrière de la malléole interne selon un arc de cercle a pour mission de maintenir les deux versants du pilon tibial en contact avec leurs homologues de la trochlée. Ainsi l'interligne reste constante. (Les radios font foi)

 L'élévation d'un versant de la trochlée est compensée par le déplacement du pilon tibial autour de l'axe de lacet vers la zone correspondante au bon niveau.

Il est bon de rappeler que la bascule externe est associée avec le lacet interne, et la bascule interne est associée au lacet externe, le plus avec le moins, ce qui se traduit en passif jambes pendantes par un débattement en éventail du bout du pied sensiblement égale vers l'intérieur ou l'extérieur.     

Alors ou se situe exactement l’axe de roulis ?


L’axe de lacet participe en agissant sur un plan vertical et l’axe de roulis sur un plan horizontal, ils se rejoignent automatiquement et ils retrouvent en même temps l'axe de flexion extension qui est lui aussi horizontal tout en étant perpendiculaire a l'axe de roulis

On retrouve nos trois dimensions : hauteur, largeur et profondeur : L = lacet,   R = roulis, T = tangage (fig. 1)

La disposition des ligaments internes et externes ne s’opposent a aucun des trois axes, seul le roulis interne est très limité comme on l’a vue, car en plus l’extrémité de la malléole externe arrive très vite en butée sur la partie inférieure de la joue externe. 

En forçant le basculement externe l’interligne, au niveau du versant externe avec son homologue du pilon tibial, a tendance à s’écarter (Radio faisant foi) .

La tête de l’astragale n’est qu’une portion de sphère, donc une rotule. Une sphère qui a été coupé en deux afin que la malléole externe, l’axe de lacet, puisse atteindre le centre de la sphère, point commun des trois axes. Les extrémités restantes (avant et arrière) ainsi que la base, ont été tronqué et la trochlée usinée sur la partie restante.

Cette articulation est asymétrique, asymétrie à l'origine de la différence d'amplitude entre roulis externe et roulis interne....

La différence de largeur entre l’avant et l’arrière de la trochlée est engendrée par la disposition de la joue externe qui réduit progressivement la largeur du versant externe de la trochlée afin de permettre à la malléole d’évoluer dans certaines positions extrêmes comme par exemple : Extension complète en position de roulis externe associé au lacet interne… Mais la distance entre la malléole externe (L'axe de lacet) et la joue interne reste constante.

Cette articulation qui met en jeu uniquement le pilon tibial et l’astragale pourrait s’appeler : Tibio-astragalienne, voire : Tibio-péronéo-astragalienne

Il faut souligner que les trois axes sont intimement liés entre eux, leur point commun est le centre de la portion de sphère, il est très difficile en passif, jambes pendantes, d’exécuter correctement l’un d’entre eux seul sans en solliciter un autre.

A signaler aussi qu’en passif le retour au neutre se fait automatiquement sur les trois axes

En conclusion, trois axes essentiels, indispensables et indissociables pour un bon fonctionnement de la cheville ! Trois axes qui permettent au pied grâce aux tarses et métatarses qui ne sont que le prolongement de l’astragale de s’adapter à toutes les configurations du terrain, tout comme d’absorber les inégalités de celui-ci.

 

Selon la réflexion donnée en début de chapitre il faut rappeler que les tarses, ainsi que l'astragale et le calcanéum sont reliés entre eux par des liaisons souples. Liaisons qui n'autorisent que de très petits déplacements en tous sens de ces éléments entre eux. Cet ensemble ne fait que se déformer selon les contraintes qui s'appliquent sur le pied.

 

Maintenant on peut se poser la question suivante : Quelle relation a cette articulation avec le genou ?

La tibio-tarsienne n’est que l’homologue de la rotule de hanche. En station debout, les deux extrémités d’une jambe se trouvent en accord, en concordance perpétuelle durant tous les mouvements, tous les déplacements du corps ; C’est la base de l’équilibre. On peut comparer la jambe dans une certaine mesure seulement à un double cardan, donc un joint homocinétique. D’où la nécessité pour l’articulation du genou de ne posséder qu’un seul axe unique et fixe.

Debout, en équilibre, tous les mouvements du corps : Balancements avant-arriere, gauche-droite, rotations du bassin, déhanchements… Sollicitent automatiquement les deux extrémités des jambes (l’articulation de la hanche et la tibio-tarsienne) qu’elles soient tendues ou fléchies. Il en va de même au cours d’une simple flexion-extension sur les jambes, le genou ne produisant alors qu’une simple flexion extension sur un seul plan ! C’est d’ailleurs de cette seule liberté dont on a besoin au niveau du genou.

Une fois encore si une rotation du genou existait, c’est l’ensemble pieds tibia péroné qui resterait immobile sur des rotations du corps hanche bloquée, et la concordance des deux extrémités ne serait pas possible. Debout, au cours d’un déplacement, ou d’un simple balancement du corps, la modification du plan d’une extrémité, au niveau des chevilles par exemple, entraîne automatiquement une modification sur l’autre extrémité au niveau des rotules de hanches. Il faut bien compenser sur une extrémité toute modification se produisant sur l’autre afin de conserver l’équilibre statique du corps! Toute rotation du genou viendrait perturber lourdement le principe.

L’axe de lacet a pu faire penser que l’articulation du genou possédait un axe de rotation, mais ce n’est qu’une illusion, car on constate que durant tous les mouvements de la cheville le genou n’est jamais concerné. Lorsque les péronéo-tibiales travaillent sous très fortes contraintes elles ne sollicitent en aucun cas l’articulation du genou ! Le plateau tibial appartient uniquement au tibia ! En clair les trois axes de la tibio-tarsienne ne font que renforcer l’inexistence des rotations internes du genou. Il ne faut pas confondre le jeu mécanique nécessaire au fonctionnement de l’articulation avec des rotations.

 

Et enfin un dernier argument de poids. Avancer que des rotations internes du genou existent c’est remettre en question les trois dimensions !!!

 



Les nouvelles technologies nous permettent de contrôler tout ce que nous venons de mettre en évidence.

Bibliographie:
- I.A. KAPANDJI Physiologie articulaire. Fascicule 2. Membre inférieur. Editions Maloine.
- Alain BOUCHET - Jacques CUILLERET. Anatomie topographique descriptive et fonctionnelle.
Editions Simep.
- W. KAHLE - H. LEONHARDT - W. PLATZER. Anatomie 1. Appareil locomoteur. Editions
Flammarion. Médecine-sciences.
- Sous la direction du Docteur POITOUT. Biomécanique du genou. Editions Masson


 



RAOULT André  

le bourg

42590  St Paul de Vézelin
tél. 04.77.63.48.62